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CALAMITÉS
03.12.2021

"On a grêlé à 100%, et été indemnisés à 40%"

04.11.2020 -

Messimy. Depuis 5 ans, Fabienne et Marc Besseas ont une récolte de pommes réduite de moitié, à cause du gel et surtout de la grêle. Ils savent déjà que 2021 sera une petite récolte.

A l'heure où le système d'indemnisation des calamités est en train d'être complètement remis à la plat, la Confédération paysanne montre à quel point le système assurantiel (poussé par la FNSEA*) est dangereux pour l'arboriculture. Exemple concret sur la ferme de Fabienne et Marc Besseas dans les Coteaux du Lyonnais.

 

"On ne peut pas continuer comme ça ! "  lâche Marc Besseas, arboriculteur à Messimy. Voilà 5 ans que l'EARL* du bénitier aux oiseaux, créée avec sa femme Fabienne, accuse un manque à gagner de 50 000 à 60 000 euros par an à cause du dérèglement climatique. « C'est simple, depuis le passage en bio, en 2008 on produisait en m oyenne 20 à 25 tonnes de pommes à l'Hectare, que l'on vendait en circuits courts. Mais depuis 2016 on est plutôt sur des demi-récoltes, de 10 à 12 tonnes / Ha. Et c'est la cinquième saison catastrophique due au gel mais surtout à la grêle. » Car la grêle ne se contente pas de pulvériser la récolte de l'année mais impacte également fortement le potentiel de récolte de l'année suivante. Meurtri, l'arbre programme de faire davantage de bourgeons végétatifs (branches, feuilles) que de bourgeons floraux. « Cette année, on a vu des arbres refleurir après la grêle, complètement déboussolés. On sait déjà que 2021 sera une petite récolte »

C'est peu dire que Fabienne et Marc utilisent pourtant tous les ressorts pour s'en sortir. Ils ont couvert 1,5 hectares de pommiers avec du filet para-grêle. « Ça vaut tout de même 15 000 euros l'hectare et c'est pas efficace à 100 % ! » Ils diversifient leur gamme de fruits au maximum, avec dernièrement des kiwis. Ils se sont même lancés dans la production de légumes cette année, culture annuelle qui permet d'être beaucoup plus réactifs en cas de coups durs. « Ce n'est pas de gaieté de cœur. Moi ce que j'aime, c'est l'arboriculture ! » lance Marc.

 

« Vision passéiste de l'agriculture »

 

Mais aujourd'hui, c'est un coup de gueule contre les assurances qu'ils veulent passer. «  Nos 10 premières années, on était assurés contre la grêle. Et en 1998, on grêlé à 100 % » raconte Marc qui explique ensuite comment l'expert de l'assurance a calculé le taux de perte. « Il est arrivé, on a vidé un arbre de ses pommes et fait deux tas. Elles étaient toutes du même côté : toutes grêlées. Après ça, il a repris le tas et a enlevé toutes celles qui, en plus de la grêle, avaient des défauts mineurs : russeting, point de tavelure, creux dû au froid etc. (voir encadré). Résultat : une fois enlevé la franchise de 20 %, il ne nous a pas indemnisé à 80 % mais à 40 % seulement. Les autres fruits ne valaient rien pour lui».

 

 

Cette année, après une n-ième grêle, qui n'a pas été évitée malgré le dispositif de ballon para-grêle de Selerys (le radar était en panne), l'arboriculteur se fait apostropher par un assureur : « assure-toi ! » Il va au rendez-vous avec six pommes et demande lesquelles seraient indemnisées en cas de grêle : l'assureur en prend deux sur six, les deux seules pommes conformes au standard de la grande distribution, sans aucun défaut d'aspect. Marc tourne les talons immédiatement.

« Cela m'a écœuré » Confie Marc. « Depuis 98, on aurait pu penser qu'ils aien t évolué, mais non. En circuits courts, les consommateurs s'en fichent de l'aspect d'une pomme. Ils veulent du goût et que la pomme soit produite de la façon la plus saine possible ! Et qui dit bio dit davantage de russeting, davantage de tavelure… Même les grandes surfaces se mettent à vendre des « légumes moches ! ».

 

 

«  Quasi personne ne veut s'installer en arbo, même en bio, même en circuits courts »
 

Antoine PARISET, maraîcher et porte-parole de la Confédération paysanne du Rhône déplore également cette « vision passéiste de l'agriculture » qu'ont les assurances. Et alerte également les politiques à l'heure où le système d'indemnisation des calamités est en train d'être complètement remis à plat au niveau national. « La FNSEA* pousse pour une assurance récolte obligatoire, payée en partie par la PAC*. Pour nous, c'est hors de question de dépenser autant d'argent publique pour un système si inefficace ! A la Confédération paysanne, on pense qu'il y a urgence à mettre en place un fonds national de calamité efficace, qui indemnise correctement contre les aléas climatiques. Il n'y a pas de raison que seuls les paysans payent les pots cassés du dérèglement climatique ! »

Il y a d'autant plus urgence que la filière fruits des Coteaux du Lyonnais est face à un manque criant de renouvellement, « même en bio et en vente directe, ça ne donne pas envie aux jeunes ». Les surfaces se réduisent malgré un système d'irrigation efficace et une forte demande : « Avant, entre Thurins et Brignais, il y avait des vergers partout » explique Marc qui déplore les arrachages de vergers, disséminés maintenant ça et là entre les villas et les prés à chevaux… Fabienne Besseas appuie le constat « Il faut voir comment on a été débordés pendant le confinement lié au Covid. Il y a une forte demande et on n'est même pas capables d'y répondre ! ».

Antoine PARISET conclue : « Il va vraiment falloir que les pouvoirs publiques prennent la mesure de la situation. Si on continue comme cela, dans 20 ans, la production de fruits des Monts et Coteaux du Lyonnais sera réduite au néant. Il y a pourtant une vraie demande pour alimenter le bassin de production local ».

 

Samuel Richard

 

 

 

Les pommes imparfaites non indemnisées !

La chute des températures après la floraison peut faire des pommes un peu « tordues », une piqûre de punaise cause un trou dans le fruit, la chenille provoque une « cicatrice », un champignon cause la tavelure (taches brunes sur la pomme), une chute de température ou le cuivre (notamment utilisé en agriculture biologique pour lutter contre la tavelure) provoque du russeting (une peau légèrement plus épaisse et plus sombre)… Toutes ces pommes, en dehors des standards de la grande distribution, sont très bien valorisées en circuits courts… Mais pour les assurances, elles ne valent rien ! Voilà pourquoi la Confédération paysanne ne fait aucune confiance aux assurances pour gérer le dérèglement climatique, contrairement à la FNSEA* qui pousse pour une assurance récolte obligatoire, en partie financée par la PAC*.



 

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