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CALAMITÉS
28.07.2021

Réforme de la gestion des risques climatiques : le monde paysan, grand perdant !

28.07.2021 -
Le député LREM Frédéric Descrozaille a remis hier au Ministre de l'agriculture son rapport sur l'avenir des indemnisations climatiques en agriculture. Mais cette proposition, qui consiste à démanteler le dispositif public des calamités agricoles au profit de l'assurance privée, emmène l'agriculture droit dans le mur.
 
L'info

Démantellement programmé du dispositif calamités au profit des assurances

 

Dans le cadre du Varenne de l'eau et du changement climatique, le député LREM Frédéric Descrozaille, président du premier des trois groupes de travail, celui dédié à la gestion des risques, a remis son rapport, le 27 juillet, au ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. Présenté sous la forme d'un «plan stratégique sur 7 ans», il propose une montée en charge du soutien public à la gestion des risques agricoles, pour le faire passer de 280 M€/an actuellement, à 600-700 M€/an, explique-t-il à Agra presse. L'objectif est d'atteindre un taux de pénétration de l'assurance multi-risques climatiques (MRC) de 60% des surfaces en viticulture et grandes cultures, et de 30% en arboriculture et prairies. Pour ce faire, il propose les quatre mesures suivantes: d'abord une baisse et et un alignement à 25% du seuil d'intervention et de la franchise de l'assurance MRC subventionnée (création d'une franchise de 20% pour la prairie). Ensuite, une hausse du taux de subvention de la MRC à 70% (contre 60% en moyenne aujourd'hui), suivie d'une baisse dans le cas des grandes cultures et de la viticulture. Il propose également la réintégration des grandes cultures et de la viticulture dans le régime d'indemnisation des pertes exceptionnelles par l'Etat (calamités agricoles), avec des seuils d'interventions respectifs de 50 et 60%. Ce taux seuil reste fixé à 30% en arboriculture et prairies, puis porté à 50% en 2024. Enfin, le taux d'indemnisation de ces pertes exceptionnelles sera porté à 100%, et dans le cas des non-assurés, il sera ensuite diminué et supprimé à terme. En attendant cette suppression, les deux régimes, d'assurance subventionnée MRC et d'indemnisations publiques (calamités agricoles), seraient opérés par les assureurs dans un «guichet unique».

(source : Agrafil du 28 juillet)

 

 

L'analyse de la Conf

Le monde paysan, grand perdant !

 

Cette proposition du député Frédéric Descrozaille, qui consiste à démanteler le dispositif public des calamités agricoles au profit de l'assurance privée, emmène l'agriculture droit dans le mur.

Non seulement il n'est prévu aucune prise en compte de la baisse du potentiel de production liée au changement climatique, mais cette réforme supprimera surtout les indemnisations de la moitié de l'agriculture française à l'horizon 2030 ! Renforçant de ce fait les inégalités qui traversent le monde agricole... Ainsi, seuls bénéficieront de cette réforme les productions générant déjà un revenu élevé et les agricultrices et agriculteurs déjà en capacité de s'assurer (en viticulture et grandes cultures en particulier). Il est remis à plus tard les questions sur les productions pas assurables et déjà mal couvertes par les calamités – tout en reconnaissant leurs spécificités.

Cette moitié délaissée de l'agriculture française n'aura même plus aucun accès aux aides à l'investissement, puisqu'elles seront désormais conditionnées à la souscription à une assurance privée.

De plus, une inconnue de taille demeure sur la gouvernance du futur système. Qui veillera au grain pour ne pas laisser sur le carreau des territoires entiers jugés pas assez rentables pour les assureurs privés? Quel sera le pouvoir de l'Etat et des organisations agricoles ?

Des régions et des modes de production risquent d'être exclus de ce système. Des zones de production historiques mais fortement impactées par le changement climatique, comme par exemple le bassin de production d'abricot des Baronnies dans la Drôme, seront affectées. Se dessine ainsi une spécialisation encore plus poussée des territoires en fonction de leurs « avantages » climatiques... avec tous les problèmes connus de la spécialisation, comme l'écoulement des productions, les pollutions induites, la délocalisation des produits...

Cette réforme de la gestion des risques climatiques traduit à nouveau le modèle agricole souhaité et encouragé par la majorité gouvernementale : après la suppression de toute intervention publique pour protéger l'agriculture paysanne face au changement climatique, il ne restera plus d'autre choix que de préconiser de fausses solutions. C'est le cas avec les bassines pour bénéficier de meilleurs indemnisations ; du photovoltaïque pour compenser la baisse de revenu liée à celle du potentiel de production... Le tout sous les applaudissements de la FNSEA* ! Pourtant, la vraie solution, c'est la résilience des systèmes agricoles, à l'image de l'agriculture paysanne.

Nous regrettons vivement que notre proposition de fonds mutuel et solidaire, à la gouvernance transparente et au budget équilibré, grâce à la contribution financière de l'amont et l'aval de la production agroalimentaire, n'ait pas été retenue. Car, au final, l'État qui cherche à payer moins devra mettre davantage d'argent au pot pour un système dans lequel les paysan.nes seront moins indemnisés ! Un jeu gagnant pour les assureurs, les agriculteurs les plus nantis, l'amont et l'aval de la filière, mais perdant pour le monde paysan.

(source : Communiqué du 28 juillet)

 

Nos propositions

La Conf continue de proposer un fonds mutuel et solidaire, unique et universel


Les deux outils existants de gestion des risques, le système des calamités (indemnisations versées par l'État) et les assurances privées (assurance récolte dont 65% du montant est pris en charge par la PAC*), ne fonctionnent plus. Les calamités ont été peu à peu vidées de leur substance au profit des assurances privées, qui par définition agissent sur des aléas exceptionnels ! Elles ne peuvent raisonnablement pas être une réponse face à l'impact du changement climatique en agriculture. D'ailleurs les assurances perdent aujourd'hui de l'argent avec toutes leurs assurance climatiques, hormis sur la grêle. Et le plus grave, c'est que seulement 2 % des arboriculteurs sont assurés !

La Confédération paysanne propose donc la création d'un Fonds mutuel et solidaire.

  • De 0 à 20% de perte : couverture par les stratégies individuelles au niveau de la ferme (trésorerie, etc.).
  • De 20 à 30% de pertes : outils de lissage du revenu (provision pour aléas, défiscalisation des stocks)
  • De 31 à 50% de pertes : fonds mutuel et solidaire pour toutes les productions et tous les aléas (gel, grêle, sécheresse, neige, tempête...). Il serait financé par les cotisations des agriculteurs, par l'aval de la filière, l'État, l'Europe (réorientation complète de l'argent du FEADER actuellement utilisé pour cofinancer les assurances privées) et une nouvelle taxe sur la spéculation sur les matières premières agricoles. Les agriculteurs ne doivent pas être les seuls à payer les pots cassés du dérèglement climatique !
  • De 51 à 100% de pertes (état de catastrophe): intervention de l'État renforçant le fonds mutuel et solidaire.

 

 

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